jeudi 10 juin 2010

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Haïbun : Deux cous tendus

Pluie battante. Des pétales de roses se décalquent par centaines sur les dalles inégales. Frissonnant, je réalise que dans huit jours exactement, c'est l'été.
Au fond du jardin, ignorant la tourmente, l'olivier tend ses quatre gros moignons devenus inutiles.

le seau déjà plein
un cousin
surnage


Chaque jour, en quête d'une repousse, j'interroge longuement les branches mutilées par la taille tardive. Pas une feuille, aucune promesse. L'écorce éclatée exhibe des verrues moussues que je frôle du bout de l'index. Leur contact rêche me noue la gorge.

un pas de côté
la course lente
de l'escargot


Ciboulette en fleur. Je coupe quelques tiges encore tendres pour la salade. Sur ma peau, leur suc odorant.

aspérité
entre deux lattes
une tête de canisse


Mes pas d'herbe et de terre vers le paillasson...

Le temps de dresser la table, le ciel s'est ouvert. A la vitre, le soleil fait loupe sur les gouttes. Eclat furtif aux couleurs de l'arc-en-ciel.

heure des infos
un tadorne égaré
fait du porte à porte


Quelques incrédules sortent sur le pas de leur porte. Envol brutal vers le toit ruisselant. Cris plaintifs doublés d'un autre appel, plus lointain. Le mâle ?
Soudain, sous le portillon d'en face, une nichée se faufile. Six ébouriffés courts sur pattes traversent les semis à grand renfort de piaillements. Longue observation immobile jusqu'à disparition totale des canetons sous les mailles du grillage.

ronde au-dessus des sapins
dans l'air
comme une angoisse


Trois heures se sont écoulées.
Deux cous tendus sillonnent sans répit la nuée noire.

***

6 commentaires:

  1. L'homme dont le regard
    faisait rougir les tulipes...
    Belle suite en Ré

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  2. Merci Marcel et Minik Do,

    Je ne sais pas finalement si le couple de tadornes a récupéré sa couvée.

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  3. Le récit d'un après-midi de pluie, sous forme de haïbun. Les petites histoires du vieil olivier (j'en ai un, moi aussi) et de la nichée qui s'envole m'ont particulièrement émue.

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  4. Ce serait dommage de perdre cet olivier qui nous a donné tant d'olives. Et c'était un arbre splendide.

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  5. Le nôtre est une espèce originaire de Russie (où il y a apparemment un climat semblable au nôtre) qui ne donne que de très petites olives dont les oiseaux se régalent, l'automne venu. Je l'adore pour son feuillage gris argenté et ses minuscules fleurs jaunes qui embaument l'air de juin. Malheureusement, il est attaqué par une bestiole (genre puceron)qu'on n'arrive pas à éliminer avec des méthodes biologiques. Il va donc falloir se résigner à le perdre...

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