samedi 2 avril 2011

A toute volée

Aux dires des adultes, j’étais une enfant sage, souriante et surtout « qui travaillait bien à l’école ».
Petite fille exemplaire ? Pourtant, en compagnie de ma meilleure copine Julie, j’accomplissais quotidiennement un larcin impardonnable.

bouton de sonnette
sur le palier le paillasson
brouté par le temps


Chaque jeudi, nous étions toutes deux chargées par nos parents « d’aller au pain ». Quelle aubaine !

Chez Julie, la salle à manger était modeste : une table, six chaises et un buffet, sur lequel attendait l’argent pour le pain. Oui, mais…
En haut de ce même buffet, trônait un superbe camion rouge en ferraille. Il appartenait au petit frère, Baba. Avant de quitter les lieux, nous improvisions à la hâte un échafaudage de fortune afin d’atteindre la petite merveille.

une dent qui bouge
la faire tomber tout à l’heure
pour la souris blanche


L’objet du désir en main, nous l’agitions pour en évaluer scrupuleusement le contenu. Un beau bruit plein et métallique. Puis, habilement, en quelques tours de passe-passe, nous parvenions à faire glisser, par la fente située sous le camion, quelques pièces de monnaie. Chaque chute était saluée à grands coups de « Ah ! » victorieux.

mois de Marie
les cloches du village
à toute volée


La boulangère, Mme Carpeaux, nous servait à chacune notre pain. Ensuite, nous lui désignions du doigt les friandises colorées repérées dans les bocaux transparents. Le choix, fort vaste, demandait mûre réflexion et l’opération prenait du temps. Bâtons de réglisse, zan, boîtes de coco, carambars et chewing-gums gagnants, roudoudous dans leurs coquilles, boules meringuées qui éclataient en bouche…
Le pain sous le bras, nous rebroussions chemin en dévorant nos gourmandises à grands rires.

Un matin, le fameux camion resta introuvable. La gorge nouée et l’esprit habité d’un mauvais pressentiment, nous partîmes, tristement résignées à n’acheter que le pain.

sur le seringa
une coccinelle noire
quel âge ?


À notre arrivée, le carillon de la boulangerie résonna soudain bizarrement : derrière le comptoir, nous attendait comme d’habitude Mme Carpeaux ; à ses côtés, droit comme un « i » derrière le camion-tirelire rouge de Baba, le père de Julie...

5 commentaires:

  1. Auriez-vous eu l'occasion de tester le pétard dans une boîte aux lettres ? Même les personnes dures d'oreille n'y restaient pas insensibles...

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  2. @ JEA,
    Non, non ! Je ne connais pas. J'étais donc en effet très sage...

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  3. @ Merci à JEA et à Ötli de leur passage et de leurs encouragements !

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