samedi 20 octobre 2012

Shikoku Muchujin-Shikoku Haïku Méguri “Balade – Haïku dans l’île de Shikoku” (26)


SHIKOKU : 23 SEPTEMBRE



L'île de Hosaï : Shodoshima 
(île de Shodo, nord-est de Takamatsu)
 



Photo Gotani



sans que je m’en aperçoive
un chien m’a suivi
jusqu'à la plage

Ozaki HOSAÏ (1885-1926)
(Tr. Cheng Wing fun & Hervé Collet)



Il ne manquait plus que ce cher Hosaï au programme ! Voilà qui sera chose faite aujourd'hui.
Dès 8h30 du matin, après un petit déjeuner frugal, nous roulons vers l'embarcadère de Takamatsu pour prendre un ferry en partance pour l'île de Shodo située dans la Mer intérieure de Seto.
Au port, nous retrouvons M. Masazumi Noguchi qui a préparé la journée et qui doit nous guider.
Pendant la traversée, d'environ une heure, nous restons en cabine à l'écouter commenter longuement des documentations sur Shodoshima, île au relief très marqué, au climat d'une grande douceur qui favorise la croissance des citronniers et des oliviers. Shodoshima est aussi l'île aux huit temples, l'île aux 91 stèles haïku et l'île du poète Hosaï.




Stèles en l'honneur de Hosaï (Photo Gotani)


Dès notre arrivée, nous sommes conduits dans le Parc des Olives où se dressent les stèles de remerciement à Hosaï venu s'installer sur l'île en 1925, alors qu'il ne lui restait que quelques mois à vivre.



Stèle de la chanson des olives (Photo Gotani)


Puis, M. Noguchi et son accompagnatrice, une de ses anciennes élèves car M. Noguchi a enseigné à Shodoshima il y a cinquante ans, entonnent pour nous la très belle chanson des olives dont les paroles sont gravées sur la stèle ci-dessus.


premiers pas sur l'île
pour accueillir les Français
le chant de olives

**


 Statues pour la paix (Photo Gotani)


Tout près, a été érigé ce monument montrant une institutrice entourée des seuls douze élèves du village. La guerre qui s'abat bientôt n'épargnera aucun de ces jeunes-gens. Il est fait ici allusion au roman de Nijushi no Hitomi (années 30), adapté à l'écran en 1955, par le réalisateur Keisuke Kinoshita, sous le titre 24 prunelles. Ce film, qui rencontra un très grand succès, constitue un véritable hymne à la paix.


printemps de leur vie
le dernier des survivants
a les yeux brûlés



**


 Musée Hosaï au temple Saïko 
de Shodo



Musée Hosaï (Photo Gotani)



Minango an
dans la rivière de sel
pissant sur le crabe

(haïku composé d'après un dessin amusant présenté dans la vitrine)



Nous avons le bonheur de découvrir le musée Hosaï, qui n'est autre que la maison, ou ermitage (Minango an) du poète. Ce dernier a été détruit une première fois par un typhon. Reconstruit, il a subi alors l'assaut des termites. Il a été finalement rebâti il y a dix-huit ans, à l'identique du premier. 
Le maire en personne, M. Okada nous accueille.
Deux poètes représentant les deux tendances du haïku, libre et classique, M. Yasuyoshi INOUÉ et M. Shôsétsu YAMAMOTO ("Reflet de la neige") sont également présents.




 Photo Gotani

La documentation, textes, photographies, objets est ici très nombreuse, évoquant l'enfance et la vie de celui qui vécut toujours accompagné d'un sentiment de profonde solitude. Ne s'est-il jamais remis de la mort violente de sa mère alors qu'il n'était âgé que de huit ans ? Ou bien ses amours contrariées de jeune homme demeurèrent-elles un éternel objet de souffrance ?

 Photo Gotani

Pour gagner sa vie, Hosaï vendait des bougies aux pèlerins. Il est décédé en 1926, seulement âgé de 40 ans, dans l'alcôve contigüe à la pièce où nous sommes reçus.


nuit de lune et de vent
tout seul
je tousse

(Tr. Cheng Wing fun & Hervé Collet)


Nous recevons de nombreux cadeaux dont la copie d'une lettre écrite de la main d'Hosaï au moine qui l'a bien accueilli au temple Saiko et une affiche du haïku ci-dessus


Photo Gotani



Après une courte grimpette, nous atteignons le petit cimetière où repose Hosaï.


 Tombe de Hosaï (Photo Gotani)



sake*
sur la tombe de Hosaï
ciel de pluie



*Les femmes japonaises ne diraient pas "sake" (langage viril) mais "ôsaké", c'est plus correct.



 Photo Gotani

A l'instar de Santoka, nous versons quelques gouttes de sake sur la tombe du poète, en guise d'hommage.



fleurs de chrysanthèmes
du fond du cimetière
le son de la cloche





  Stèles de Santoka et de Hosaï à Saïkoji (Photo Gotani)


Saïkoji
sur les stèles des poètes
feuilles de ginkgo


**
  
Arrêt dégustation


Somen (Photo Gotani)

En route, nous effectuons une courte pause pour déguster des Somen, nouilles fines à base de farine de blé fabriquées à la main, de manière artisanale et accompagnées de thé vert. Ce plat se  savoure généralement froid,  surtout en été.

Higanbana ou Manjushage*

Au Japon, la coutume veut qu'en cette période de l'année l'esprit des morts rejoigne la maison familiale. Il est de tradition de l'honorer avec de jolies fleurs rouges nommées Higanbana ou Manjushage. Ces fleurs s'épanouissent à peu près au moment de l'équinoxe d'automne (Higan signifie "équinoxe d'automne"), c'est pourquoi elles sont liées à la mort. Un bouquet a été placé devant l'auberge où nous prenons notre collation.


Théâtre de plein air, Nakayama Noson Kabuki


Nous nous installons pour le pique-nique devant le théâtre de plein air. Il fait très chaud, je m'éloigne vers l'ombre et découvre à proximité une rizière.




sueur sur mon front
à l'orée de la rizière
la fleur d'équinoxe*

* Higanbana


*Cette fleur porte de nombreux noms liés à la mort :
 
- "manjushage (曼珠沙華) : nom beaucoup plus littéraire et moins utilisé
- shibito bana (fleur des morts)
- tengai bana (fleur de l'au-delà)
- yuuri bana (fleur des fantômes)
- sugeto bana (fleur orpheline)
- Lycoris radiata (nom latin)
- red spider lily (en anglais)
- amaryllis (dans la plupart des traductions)".


(Extrait du blog : http://www.nautiljon.com/culture/flore-17/higanbana+%28ou+higan+bana%29-51.html).
 
"Cette fleur, dont les tons vont du rose pourpre foncé au rouge cramoisi, les Japonais la nomment manjushage (nom dont la traduction est difficile à établir puisqu’il se compose de quatre kanji, littéralement : fleur, sable, joyau, magnifique)."

Extrait du site :  http://www.beyondfragment.net/1-accueil/2-reflexions/1-noms/13-lycoris.html.


**

Shodoshima est réputée pour ses plantations d'olives. En surplomb de la mer, Olive koen ("Parc de l'olive") s'étend sur plusieurs hectares. Nous le visitons longuement. Chaque variété d'olive est commentée ainsi que sa saveur et son mode de dégustation.

 Olive Kôén


 Moulin sur la colline de "Olive Kôén"


**


Il reste à faire une dernière grande découverte : la forêt de stèles (Kuhi no mori). Quatre-vingt-onze stèles gravées de haïkus ont été dressés sur une colline en sous-bois.


Kuhi no mori (Photo Gotani)



Kuki no mori
au bout du sentier de feuilles
 les mots des poètes



La découverte, grâce à M. Noguchi et M. Onishi, est merveilleuse. M. Noguchi déchiffre pour nous ce très beau haïku :

le silence
des arbres en hiver
l'amour d'un père

MIZUHARA Shuôshi



La journée se termine. Nous empruntons le plateau de Utsukushi-no-hara qui offre de superbes échappées sur les gorges de Kanka.




lumière du soir
apercevant l'archipel
nous croisons des singes


Avant de nous quitter, M. Noguchi nous dédicace Rengyonoshima, son livre sur Shodoshima où nous restons pour la nuit.


nuit de fin d'été
des étoiles dans les yeux
le poète signe 


Par bonheur, et grâce à la perspicacité de Maïko Gotani que je remercie fort, mon appareil photo a été retrouvé dans l'autobus. 

** 

16 commentaires:

  1. Emouvantes ces stèles en forêt, et plus particulièrement celle où il faut s'accroupir pour bien la voir, ce haïku est si parlant
    Je pense que la manjushage est une variété de nérine?
    Quelle grâce cette fleur et quel beau symbole aussi!
    jacqueline

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui, j'ai trouvé ce haïku magnifique. Quant à la fleur il est possible qu'elle soit proche des nérides. Elle est emblématique du sud du Japon et porte beaucoup d'autres noms liés à la mort.
      Merci de ta visite, Jacqueline !

      Supprimer
  2. Oliviers et un moulin...j'ai cru un instant voir apparaitre don Quichotte en personne! (je blague). De plus cette superbe fleur des fantômes...
    J'ignorais que les japonais fabriquaient de l'huile d'olive.
    Superbes ces stèles, merci Danièle.

    RépondreSupprimer
  3. Je ne m'attendais pas non plus à voir des oliveraies de cette superficie. Un voyage tout en surprises. Bon dimanche, Colo.

    RépondreSupprimer
  4. Ces mots, ces photos
    Ce soir je pense
    à un autre bout du monde ...

    Merci Danièle
    vraiment.. Merci !

    RépondreSupprimer
  5. De découverte, en découverte
    et une occasion pour moi de relire Hosaï.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'aime beaucoup Hosaï et le thème de la solitude qu'il décline de manière surprenante. Bon dimanche !

      Supprimer
  6. Oui, moi aussi, j'ai envie de relire Hosaï - sachant maintenant dans quel univers il a vécu et où il repose. Merci, Danièle - les photos nous donnent un excellent aperçu et les haïkus permettent de saisir l'atmosphère.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'espère que tu apprécieras Hosaï autant que moi, Monika. Merci de ta lecture attentive !

      Supprimer
  7. Ce pays de stèles en mémoire à la poésie et aux poètes me fait penser à "la forêt des mille poètes" en France, par association d'idées.
    Je trouve que ces lieux sont chargés d'émotions et qu'il y a un contraste entre ce lieu des souvenirs et la vision de l'île ou du plateau où le regard s'étend vers l'infini: mais la douceur est partout, même dans les ailes de cet adorable moulin.
    Merci pour cette atmosphère de recueillement si particulière.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je me suis promis de me rendre dans cette forêt des mille poètes, je suis curieuse de voir.
      Les contrastes à Shikoku viennent de la juxtaposition de la tradition forte et d'une certaine modernité, de la géographie du pays aussi.
      Merci, Maïté !

      Supprimer
  8. Réponses
    1. Les haïkus traversent le temps sans prendre une ride.

      Supprimer
  9. Hosaï en repos
    sa stèle
    devenue corps immortel

    amitié chère Danièle

    RépondreSupprimer