mardi 13 juillet 2010

Haïbun : la bouche de pierre

Aujourd’hui, la chaleur est plus caniculaire que jamais. Les mains sous la nuque, elle reste encore un instant immobile. L’air pesant dégage une odeur suave de figues et d’herbe fanée.


scorpion immobile
sur le mur de chaux blanc
quel vêtement choisir ?



Dès le pas de la porte, le soleil écrasant enserre ses tempes. Inutile de chercher l’ombre dans la ruelle, silencieuse à cette heure de l’après-midi.


la boîte aux lettres
une maisonnette de bois
« Vincento Gribaldi »


Le chemin s’étire à travers champs, là où de grands tournesols la regardent passer. Leurs faces rondes de poupées de chiffon semblent l’interroger.


des abeilles
le bourdonnement intense
– sueur sur ses yeux


Sur le sentier grimpant, la poussière s’immisce entre ses orteils. Un pas devant l’autre, sans réfléchir pour ne pas sentir la fatigue. Très haut, un rapace plane dans le ciel bleu-cru.
L’eau jaillit tiède de la gourde, laissant un arrière-goût de fer sur sa langue.


l’épouvantail
en chapeau et en manteau
son nez décollé



Au loin, crevant la colline d’oliviers, San Gimignano dresse ses hautes tours sur l’horizon flamboyant.
Hier, jusqu’à la nuit tombée, ils se sont attardés dans les ruelles au charme d’antan. Elle a donné un billet trop gros pour payer les glaces et l’homme lui a conseillé d’être prudente.
La vieille église sentait le bois sous l’escalier monumental.


un chat se repose
près d’un bidon oublié
léger sursaut


« Buon giorno ! » lui lance un vieillard sec courbé sur son bâton.

La lourde grille grince sous la poussée…
Presque plus d’eau au bassin, la bouche de pierre de l’angelot ne crache plus rien.

Dans la pénombre de la pièce, s’alignent des poteries rustiques. Un homme au visage de terre cuite façonne à la main un énorme pot de jardin.


un peu étourdie –
au bout du banc les yeux rouges
d’un coq ébréché



L’air est encore lourd mais la lumière ne transperce plus jusqu’à la rétine. Elle s’en revient, par le même chemin, mêlant son chant aux stridulatons des cigales et des criquets.


ficelle enroulée
autour du papier journal
doigts sciés sous le poids


***

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