samedi 10 novembre 2012

  Un de mes coups de cœur...

en attendant la neige !

 



Tombent les fleurs de cerisiers
entre les branches
le temple apparaît

Buson (1716-1784), trad. Corinne Atlan


Ce haïku des « fleurs de cerisiers » me séduit à plusieurs titres. Ancré dans la saison, le printemps ici, il met parfaitement en contraste l’éphémère (la fleur) et l’éternel (le temple). Simultanément, il aborde la notion de vide qui constitue un concept fondamental de la culture japonaise. Le vide n’est pas néant : il est une dimension révélée, à investir et où créer, un chemin dessiné en creux à explorer, à la rencontre d’autres découvertes.
Ici, l’espace laissé vacant offre à l’imaginaire du lecteur/ de la lectrice une marge à s’approprier, rappelant que ce petit poème, éminemment social, suppose échange et courtoisie : l’autre existe, je laisse donc sa sensibilité s’exprimer, poser du sens sur mes mots et mes silences, tracer sa propre route à partir de ce que je dis ou de ce que je tais.

Au-delà de cet aspect, Buson esquisse de manière remarquable la très belle esthétique japonaise de l’effacement, une esthétique qui conduit à la mise en exergue de l’essentiel : les fleurs meurent, laissant entre les branches un vide d’où surgit le temple, symbole de la vérité et de l’harmonie du monde.

Ainsi, l’encre des mots ne doit-elle pas tout exprimer car la substance du poème est à puiser aussi – surtout ? – dans les blancs et les silences qui sont autant d’outils propres à sublimer le dire pour mieux éveiller la conscience.

** 







Le vide n'est pas néant, ce que confirme la physique quantique...

+


Vibrations - une fleur, une graine.


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Jacqueline :

VIDE ET PLEIN , dualité de la philosophie orientale, du TAO, de l'art asiatique qui me parlent depuis près de 40 ans .

l'absence qui révèle la présence

François Cheng a écrit ce merveilleux livre "VIDE ET PLEIN"qui éclaire nos esprits occidentaux

**

François Cheng
Vide et plein, extrait :

2- Le vide dans la peinture chinoise

Le Trait de pinceau. Nous allons voir, plus loin, tout le contenu spécifiquement pictural du Trait. Ici, sous l’angle philosophique, il nous suffit de souligner que le Trait tracé, aux yeux du peintre chinois, est réellement le trait d’union entre l’homme et le surnaturel. Car le Trait, par son unité interne et sa capacité de variation, est Un et Multiple. Il incarne le processus par lequel l’homme dessinant rejoint les gestes de la Création. (L’acte de tracer le Trait correspond à celui même qui tire l’Un du Chaos, qui sépare le Ciel et la Terre). Le Trait est à la fois le Souffle, le Yin-Yang, le Ciel-Terre, les Dix-mille êtres, tout en prenant en charge le rythme et les pulsions secrètes de l’homme.

http://www.lacanchine.com/L_Cheng-vide.html

**


footsteps
in this empty pathway
reflections 

des traces de pas
dans le sentier désert
pensées

(trad. Danièle D.)


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La cloche se tait
le parfum des fleurs en écho
ah ! quelle soirée

Bashō

✿✿✿


kane kiete
hana no ka wa tsuku
yūbe kana

- Bashō -


✿✿✿

 

16 commentaires:

  1. Tu écris : le vide n'est pas néant, ce que confirme la physique quantique...

    +

    Vibrations - une fleur, une graine.

    +

    Bien cordialement.

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    1. La théorie quantique me fascine. Par association d'idées sans doute, je me pose la question de savoir comment fonctionne la transmission de pensée.

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  2. VIDE ET PLEIN , dualité de la philosophie orientale, du TAO, de l'art asiatique qui me parlent depuis près de 40 ans .

    l'absence qui révèle la présence

    François Cheng a écrit ce merveilleux livre "VIDE ET PLEIN"qui éclaire nos esprits occidentaux
    Jacqueline

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    1. Merci, chère Jacquaeline, d'apporter de l'eau au moulin !

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  3. footsteps
    in this empty pathway
    reflections

    Some see nothing, others create; always, a dream fills emptiness. _m

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    1. Yes ! It's exactely what the haïku means. Thank you, Magyar.

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  4. Merci pour cet éclairage en équilibre vide-plein, pointillés et respiration.
    Formidable haïku. Subtilité tout en élégance.

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    1. Les mots "élégance" et "subtilité" attribués à ce haïku sont très justes. Je le trouve magnifique. Merci, Maïté !

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  5. Merci Danièle pour tant de pureté et beauté♥

    "Ainsi, l’encre des mots ne doit-elle pas tout exprimer car la substance du poème est à puiser aussi – surtout ? – dans les blancs et les silences qui sont autant d’outils propres à sublimer le dire pour mieux éveiller la conscience."

    "L'esthétique japonaise de l’effacement" Voila qui est dit!

    La cloche se tait -
    le parfum des fleurs en écho
    ah! quelle soirée
    - Bashō -

    ✿✿✿

    kane kiete
    hana no ka wa tsuku
    yūbe kana
    - Bashō -

    ✿✿✿

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    1. Ah, Okasan !Ce haïku de Basho est également une merveille de finesse. Il a un petit air baudelairien qui n'est pas pour me déplaire. J'apprécie beaucoup la version en japonais qui joue si bien sur les sonorités. Merci et bonne journée !

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  6. Très belle évocation du vide, espace de l'imaginaire, respiration de l'écriture.

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    1. Tous les arts se rejoignent (musique, peinture, poésie et d'autres encore) dans cet art de faire parler les blancs et les silences à notre imaginaire. Bonne journée, Tania !

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  7. Ce haïku de Buson, avec lequel tu commences ton texte (et que je ne connaissais pas), me paraît comme une sorte de premier original du "mien", publié vendredi sur mon blogue. Donc oui, le "mien" s'avère en quelque sorte un déjà-ku... misère !

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    1. L'idée est proche, Monika, mais ici Buson offre en plus un "fondu enchaîné", si je puis dire, qui est admirable.

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  8. Nuage de coeur
    transformé en fleurs
    annonce d'autres saisons

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