lundi 24 septembre 2012

Shikoku Muchujin-Shikoku Haïku Méguri “Balade – Haïku dans l’île de Shikoku” (22)

SHIKOKU : 19 SEPTEMBRE


Statue de Shiki Masaoka

Aujourd'hui est une journée très importante puisqu'elle est consacrée à la commémoration du 111e anniversaire de la mort de Shiki Masaoka*
* Hechima Ki

Portrait de Shiki

Nous sommes d'abord reçus par Mme la Conservatrice du Shiki-kinen museum qui nous montre deux livres en Anglais sur Shiki, publiés par le musée. Elle nous remet l'un d'eux en cadeau : "A sketch of his life", qui narre un épisode de la vie de Shiki alors qu'il était certainement tombé amoureux d'une servante.


Sketch joué lors de la cérémonie commémorative

Puis commence l'hommage à celui qui a redonné un nouvel essor au haïku en le modernisant. Dans l'assistance, se trouvent des officiels et au premier rang un des descendants du poète.

hommage à Shiki
sous le portait du poète
un bouquet d'arums


Cette cérémonie très émouvante est suivie de la visite du musée où sont exposés des effets personnels et des manuscrits du poète ; puis de l'ermitage de Shiki, où il se retrouvait parfois en compagnie de Soseki pour organiser des kukaï.
 Ermitage de Shiki


Miniature : kukaï de Shiki


Au cimetière, sa tombe est couverte d'offrandes. Tout près de la sienne, se dresse la tombe du pinceau de Kyoshi Takahama  : Kyoshi dirigea en 1898 la revue de haïku "Hototogisu" (le Coucou) fondée l'année précédente par Kyokudo Yanagihara et Shiki Masaoka.


 Tombe des cheveux de Shiki

Tombe du pinceau de Kyoshi Takahama

Près de là, le bureau de Shiki a été reconstitué.

Cette journée du 19 septembre est passionnante pour les haïkistes que nous sommes car nous passons aussi un moment dans des ermitages célèbres.
Celui de Chôdo (Koshin-an) est préservé grâce à une universitaire bénévole passionnée. Chôdo s'inscrit dans la lignée de Bashô. Il a inspiré Issa qui est venu le voir ici à deux reprises.


Kôshin-an

Chôdo


Toujours merveilleusement accueillis, nous avons droit à la cérémonie du thé, simple, telle qu'à l'époque de Chôdo : une tasse de thé, un petit gâteau, une autre tasse de thé un peu plus amer.
Nous admirons différentes sortes de gâteaux réservés à la cérémonie du thé ainsi qu'un bouquet composé par la responsable, avec des fleurs du jardin de l'ermitage.

Kôshin-an
une fleur en papier répare
le trou du shoji

Au mur, est exposé un texte écrit de la main de Chôdo affirmant le rôle primordial de la nature. L'écriture est fine, régulière, tandis que celle d'Issa était beaucoup plus nerveuse.

A quelques encablures de là, nous attendent les amis du club de Santôka. Quel accueil ! Et quel bon moment passé ensemble !
Après nous avoir remis un bouquet de fleurs destiné à l'autel de Santôka, le président narre la vie du poète sous un pavillon où sont exposés des documents historiques.
Puis, nous sommes conduits à l'ermitage (Issou-an) où nous est donné un magnifique concert de biwa sur une chanson composée à partir du vécu de Santôka.

Biwa

Une démonstration de calligraphie nous est bientôt offerte et chacun s'essaie ensuite à écrire son propre haïku au pinceau.
Nous sommes instruits de l'art du takuhon, technique qui consiste à reproduire une gravure sur un support papier.

Takhuon

Un membre du club est vêtu à la manière de Santôka : il porte le précieux bol du poète que nous faisons circuler parmi nous, non sans nous être gantés de blanc auparavant.

Bol de Santôka dans les mains de Mme Gottani

Suivent des lectures de haïkus de Santôka, en Français et en Japonais.
Avant de nous séparer, a lieu l'échange de cadeaux, calligraphies et disque compact de Santôka.

De la part d'okasan :

Peindre des fleurs -
c'est ma tâche quotidienne!
entrant dans l'automne
- Shiki -

kusabana o
egaku nikka ya
aki ni iru

**

samedi 22 septembre 2012

Shikoku Muchujin-Shikoku Haïku Méguri “Balade – Haïku dans l’île de Shikoku” (21)

SHIKOKU : 18 SEPTEMBRE


En premier plan, un oreiller d'été.


Les pluies nocturnes ont rafraîchi l’air et c’est avec plaisir que nous nous retrouvons tous au matin pour déjeuner devant la baie largement ouverte sur le jardin. Une grande sérénité se dégage de cet espace où les éléments, eau, pierre et air se combinent harmonieusement. Sous un souffle léger, les feuilles du saule balaient doucement l’espace au-dessus du ruisseau.








une tête rouge

entre les lentilles d’eau

des ombres s'agitent








Nous alignons les calligraphies exécutées par M. Noguchi pour les montrer à Mme Kei. De son côté, elle sort un jeu très ancien qui consiste à rassembler les deux valves d’un même coquillage. L’extérieur des coquilles est doré, l’intérieur offre soit le visage d’une femme jusqu’à mi-buste, soit la partie manquante de sa robe.

Okasan, 22 septembre 2012 20:54 :


Les coquillages sont très beaux.
J'ai entendu dire dans une conférence donnée par Dorothée de Boisseson, que le jour de mariage, les mariés reçoivent deux boites, une pour chacun, avec des coquillages peints, pour signifier qu'ils doivent toujours s'accorder comme les valves du coquillage.



Jeu des coquillages (Kaï-Awase)


kaï-awase
les deux parties rassemblées
je chasse un moustique






L’heure de nous séparer arrive. Nous promettons à Mme Kei de revenir un jour.



akishigure*
dans le contre-jour des êtres

meurent sitôt nés





*averse soudaine



Le voyage en train vers la ville de naissance de Shiki, Matsuyama, située dans la province d’Ehime, dure deux heures. A l’arrivée, nous sommes accueillis par une délégation de la préfecture et conduits vers le restaurant pour y déjeuner. Après quoi nous entreprenons la visite de Bansui'sou, maison construite dans un style français par son propriétaire qui séjourna plusieurs années en France. Il la fit bâtir à son retour à Matsuyama. Soseki et Shiki se sont plusieurs fois rencontrés dans ce lieu.




Masque No exposé à Bansui'sou



Château de Matsuyama (Matsuyama jo)




non loin dans la brume
l'île de Gogoshima
des voix dégringolent







Ce château inspira à Shiki le haïku suivant :

Ô Matsuyama
la tour du château plus haute
que le ciel d'automne


En milieu d’après-midi, nous sommes reçus par Monsieur Jokô, vice-préfet de la Province d’Ehime. Très heureux d'accueillir dans sa région des haïkistes français, il remet à chacune et à chacun un petit bijou représentant soit un vélo, une clé de sol, une chouette ou un cochon, orné d’une perle d’Ehime.

Pour rejoindre l’hôtel, nous traversons la rue commerçante où se trouvent de nombreuses boutiques de cadeaux et souvenirs. L’hôtel Tsubaki se situe dans le quartier de Dogo non loin de Dogo Onsen, des thermes très anciens.





vendredi 21 septembre 2012

Shikoku Muchujin-Shikoku Haïku Méguri “Balade – Haïku dans l’île de Shikoku” (20)

SHIKOKU : 17 SEPTEMBRE




nuit interrompue
le bruit de l'averse couvre
sa respiration


pendant le bain chaud
la pluie d'automne survient
quelqu'un me fait signe



Au matin le jardin, tout lumineux sous les gouttelettes d'eau, offre visage encore plus resplendissant. Quel bonheur de flâner à la fraîche dans ce havre de paix et de verdure !
Mais très vite le soleil revient à la charge...


pavillon fermé
la sauterelle relie
deux coins de ciel vides


La maison s'anime. Nous prenons place autour du Kakatsu (table basse chauffante), assis sur nos Zabuton (coussins plats), pour déjeuner de pain, de fruits et de jus de tomate. Après quoi, toujours assis en tailleur, nous entamons la conversation.




Mme Kei nous honore bientôt de la visite de son pavillon d'été (roji), dans lequel a lieu de temps en temps la cérémonie du thé.






ouvrant la fenêtre
un lézard tombe à mes pieds
le bruit d'un balai

**


Ermitage de Sôkan




La journée se poursuit par une visite au temple Kousiyoji où se situe l'ermitage de Sôkan. M. Masazumi Noguchi, écrivain lauréat du prix Kan KIKUCI, nous guide.
L'atmosphère est détendue. Monsieur Noguchi présente Sôkan (Yamasaki Sôkan), poète du 16e siècle, assez injustement mal connu en France alors qu'il est un peu le grand-père du haïku : Sôkan a développé le haïkaï-renga, poésie collaborative basée sur la surprise et le comique, n'écartant pas au besoin un peu de vulgarité. Bashô fera évoluer cette forme vers le haïkai, ancêtre du haïku.



Après avoir présenté une série de documents, M. Noguchi montre la calligraphie qu'il a effectuée sur une courge longue (hechime) :



anniversaire de Shiki
j'ai un petit empêchement
je ne peux m'y rendre

"Signé" Sôkan

En fait Shiki, à qui l'on doit le haïku moderne tel que nous le connaissons, n'a jamais honoré de sa visite l'ermitage de Sôkan. Le haïku de M. Noguchi rappelle, non sans malice, cette réalité.
Il faut se souvenir que, malade et alité à la fin de sa vie, Shiki n'avait pour tout spectacle depuis sa chambre que son jardin, le ciel et la vue des hechime qui étanchaient bien sa soif lorsqu'il était fébrile.

Pendant ce temps, la pluie s'est remise à tomber et nous devons, quelque peu dévorés par les moustiques, nous abriter sous l'avancée de l'ermitage avant de poursuivre notre chemin. M. Noguchi en profite pour effectuer de superbes calligraphies qu'il nous remettra en cadeau de bienvenue. Un de plus ! Partout à Shikoku nous avons reçu un accueil des plus chaleureux, nos hôtes étant manifestement enchantés d'accueillir des haïkistes français.



Avant de rentrer chez Mme Kei, une petite visite au musée des chariots (musée du Cyohsa) s'impose. Il s'agit de chariots décorés qui déambulent dans les rues lors de la fête de la récolte du riz. Ils sont portés par les hommes les plus robustes.


Chez Mme Kei, où nous sommes décidément très très gâtés, nous attend une magnifique soirée :

La table dressée pour le repas





Théâtre no






Comme il ne s'agit pas de faire les choses à moitié, la cérémonie du thé nous est également offerte, pour notre plus grande joie.


Un grand merci, Mme Kei !


Pas question d'aller se coucher sans avoir participé au traditionnel kukaï (concours de haïku) qui nous mène assez tard dans la nuit.
Pour Mme Kei, le haïku est obligatoirement rythmé en 5 / 7 / 5 et doit comporter un mot de saison (kigo) ainsi qu'une césure (kiregi). Elle préfère de loin ceux qui suggèrent.

Les haïkus sont lus en Français puis traduits en Japonais par notre charmante organisatrice Maïko.

mes cheveux coupés
je croise au jardin
un petit papillon blanc

Mme Kei


L'heure du repos nocturne est venue...

le vent sur la cloche
à quoi rêve ma compagne
derrière le shoji ?

**

mercredi 19 septembre 2012

Shikoku Muchujin-Shikoku Haïku Méguri “Balade – Haïku dans l’île de Shikoku” (19)

Shikoku : 16 septembre

Nous quittons le temple de Zentsuji au matin pour nous rendre chez Mme Taoka qui nous fait l'honneur de nous recevoir dans la propriété familiale remontant à 400 ans et où plusieurs générations cohabitent. Dans le petit cimetière qui jouxte les lieux, les tombeaux des ancêtres. 


Jardin



Porte de la rivière


La présence de la rivière permet d'irriguer les rizières du domaine.







Intérieur moderne






L'après-midi est consacré à la fête des poupées d'Assaku, une bonne occasion de nous imprégner de l'ambiance d'une manifestation populaire traditionnelle qui rassemble toutes les générations. Les tambours (taïko) donnent le coup d'envoi.



Dans tout le village, le public peut découvrir des jeux et des stands variés, confectionnés et présentés par des bénévoles.


Jeu de cartes éducatif destiné à mieux faire connaître aux enfants leur région.


Origami



Criquets... confectionnés à partir de feuilles.



L'art du bouquet ou ikebana




Poupées




La cérémonie classique du thé ou chanoyu





Petit gâteau à déguster avant de boire le thé






visage impassible -
le silence ouvre un espace
à la beauté pure


Après cet après-midi bien chargé, les uns vont se détendre aux bains publics, les autres sur le rivage, face à la mer intérieure de Seto. La chaleur a favorisé l'apparition de brumes et les monts à l'horizon sont voilés.


la soirée s'étire
sur la plage d'Ariake
femmes endormies

Une douce veillée nous attend dans la splendide demeure de Mme Kei.

Chambre








moiteur de la peau
le bosquet de bambous ploie
le bain chaud très chaud


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